Les amis de l'Orgue de Saint-Martin

Montbéliard

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1985-1989 : Histoire d'une restauration


En 1755, Jean-Louis PERNY construit un orgue d'un cla­vier avec pédale indépendante pour le temple de Montbéliard. Il reste de cet orgue le buffet du Grand-Orgue et les anciens pan­neaux de tirage de jeux retrou­vés lors du démontage de l'orgue et qui servaient de cales.

En 1844, Joseph CALLINET reconstruit entièrement l'instru­ment avec deux claviers et pédale de 19 jeux. La facture de CALLINET est directement issue de l'école classique de l'orgue français. Si les matériaux, les techniques de travail sont prati­quement immuables depuis près de deux siècles, certaines recher­ches sonores apparaissent en ce milieu du 19e siècle où l'époque romantique atteint également la facture d'orgues.
Si l'on considère la composition du récit de l'orgue de CALLI­NET, on constate la présence de trois jeux de fonds de 8p., d'une anche soliste et d'un dessus de flûte 4. Donc, pratiquement, abandon complet de la définition du RECIT classique. Le clavier du GRAND-ORGUE reste, lui, résolument classique avec ses principaux, son plein jeu, ses flû­tes et ses anches.
Le clavier de PEDALE ne pos­sède que 18 notes. L'orgue à cette époque est avant tout des­tiné au culte, donc surtout à l'ac­compagnement des psaumes et chorals, et pas du tout au concert. On sait d'ailleurs que les organistes, souvent ama­teurs, demandaient eux-mêmes une pédale d'étendue réduite ne servant qu'aux cadences.
CALLINET construit deux som­miers doubles de 108 gravures en tout pour le Grand-Orgue et le Récit. Le buffet de PERNY est alors complètement rempli. Le sommier de pédale est placé à l'arrière de l'instrument selon une tradition alsacienne. Le buffet perd à cette occasion ses tuyaux de 8 p. en montre sur les deux tourelles latérales pour une montre de 6 p. avec des basses de tuyaux de bois placées à l'intérieur.

En 1899-1900, BEDEVILLE, fac­teur d'orgues à Montbéliard, transforme l'instrument de façon radicale. Ce facteur utilise le matériel de DIDIER d'Epinal dont il est peut-être dépositaire, l'orgue de Saint-Maimbœuf étant de Didier. Il condamne le récit intérieur de CALLINET, en supprimant la mécanique, et construit un POSI­TIF DE DOS, ce qui est excep­tionnel à cette époque où c'est plutôt le contraire qui se produi­sait. Il reconstruit la mécanique du Grand-Orgue, remplace les claviers, construit à neuf une mécanique de positif qui doit faire le tour d'une poutre, sous les gradins. Cette mécanique ne pouvait marcher valablement.
Les 4 jeux de l'ancien Récit sont réemployés au positif et au Grand-Orgue, le tout est considérablement transformé. En 1968, Curt SCHWENKEDEL modifie la composition du positif et complète le clavier de Pédale sur 30 notes en transmission électrique. C'est cet instrument que nous avons eu à restaurer.



En novembre 1985, l'orgue a été entièrement démonté, et chargé (sous la neige) pour être trans­porté à Entrechaux. La tribune a été débarrassée des gradins du 19e siècle nuisibles à la construc­tion d'une bonne mécanique d'or­gue, et le niveau plat retrouvé.
Il fallait reconstruire logique­ment une mécanique en tenant compte des spécificités de l'or­gue Callinet, des sommiers anciens, avec la reconstitution du Récit ; reconstruire un Positif de dos avec une mécanique fou­lante à balanciers comme de tra­dition dans ce genre d'instru­ment et compléter mécanique­ment la Pédale à 27 notes, éten­due couramment pratiquée par Callinet, permettant le jeu d'un répertoire très étendu de la musique d'orgue.
Un orgue bien conçu possède une logique dans ses dimen­sions. Le buffet est cohérent avec ce qu'il contient et il est calculé en fonction de ce qu'il doit contenir. Retrouver la dimension du grand Abrégé de bois de 108 rouleaux nous a per­mis de remettre les sommiers à la bonne hauteur, de là, de placer les claviers de façon rationnelle par rapport au sol et à l'estrade du Positif, donc de rehausser le soubassement qui avait été tron­qué à cause des gradins.
Ce soubassement a été reconsti­tué par greffes diverses, et cons­truction de panneaux moulurés copiés sur ceux de Perny. Bien entendu, le buffet qui était peint d'une couleur "chocolat" a été entièrement décapé. Sous cette peinture, nous avons relevé les teintes et les dessins que nous avons pu retrouver. La charpente a été rallongée à la demande et nous avons reconstitué les tou­relles de 8 p. dont la trace se trouvait sous la peinture du 19e. En effet, le soubassement rehaussé eût été trop haut pour une montre de 6 p. seulement qui aurait alors paru trop maigre. Nous avons refait les culs-de-lampe de ces tourelles d'une forme plus en rapport avec le style de l'ensemble.



Le buffet du Positif de dos a été entièrement reconstruit sauf pour les panneaux de côté, d'une forme en rapport avec l'ancien buffet, avec les sculptures en copie du Grand-Orgue au som­met des tuyaux. Pour englober les sommiers de Pédale et le soufflet à l'arrière de l'instru­ment, nous nous sommes servis des anciens panneaux complétés en copie.

Les sommiers anciens de Grand-Orgue et de Pédale ont été res­taurés, les fentes de tables ont été flipeautées, les barrages encollés à la colle à chaud, les soupapes dressées et remises en peau, les boursettes refaites en peau neuve de chevreau, les tables et chapes dressées, l'en-chapage a été refait avec les anciens clous de fer forgé munis d'amortisseurs de peau neufs.
Les sommiers de complément de Pédale et de Positif de dos ont été construits en rapport avec la facture de Callinet, en chêne avec enchapage également à clous de fer forgé. Trois claviers neufs, plaqués d'ébène, les diè­ses plaqués os ont été construits ainsi qu'un clavier de pédale tout en chêne. Le tirage des jeux anciens a été restauré, celui du Récit reconsti­tué ; celui du Positif est bien sûr, neuf. La mécanique est entière­ment neuve, celle de Bédeville étant inutilisable. Donc, balan­ciers pour le Positif, suspendue directe pour le Grand-Orgue et le Récit, avec reconstruction du grand abrégé de bois de 108 rou­leaux, doubles balanciers pour la Pédale, avec grand abrégé de bois de forte section pour les rouleaux.




Tous les abrégés sont à rouleaux de pin, les charpentes en chêne, les crapaudines de bois dur, les palettes de fer forgé. Il a été construit une Tirasse pour le cla­vier du Grand-Orgue, dont la commande est faite par une pédale d'appel. Le grand souf­flet de Bédeville a été restauré et conservé, ainsi que son sys­tème de pompes manuelles en cas de panne de courant. Il a été construit un soufflet à plis paral­lèles pour le Positif, ainsi qu'un tremblant doux pour ce clavier. La soufflerie électrique est neu­ve, les postages anciens récupé­rables ont été restaurés. Il en a été construit des neufs en plomb où nécessaire. Les porte-vent neufs sont en bois recouvert intérieurement et extérieure­ment de papier. La tuyauterie de Callinet avait été considérable­ment remaniée et transformée, ou avait disparu. Les tuyaux restants avaient été soit simplement décalés, ce qui n'est pas grave, soit pavillonnés et recoupés, ceci ayant considé­rablement grossi les tailles, par­fois de deux tons. Callinet mar­quait fort clairement ses tuyaux. On trouve sur chacun, le nom du jeu en abrégé, le nom du clavier en abrégé, le nom de la note, et parfois la destination. Exemple : E B8 - GO - MONTEE. Il s'agit là du Ml 3 du Bourdon de 8 p. du clavier du Grand-Orgue de Mont-béliard. Nous avons donc res­soudé les pavillons et entailles, rallongé les tuyaux recoupés, redécalé les tuyaux à leurs anciennes places, en construi­sant les tuyaux manquants à cause du décalage de Bédeville. Concrètement, un ancien tuyau pavillonné et recoupé sonnant Fa dièse, resonnera Mi en soudant le pavillon, et en rallongeant le tuyau d'une bague en étain sou­dée au diamètre exact de ce qu'il avait été recoupé et reprendra son ancienne place.
Bien entendu, cette opération ne se fait pas au hasard, et demande des recherches sur l'ancien diapason. La hauteur du La n'a pas toujours été fixée à la même fréquence, selon les épo­ques, les pays, les régions même. A Montbéliard, on disposait de plusieurs éléments pour retrou­ver ce diapason :
  • les tuyaux de façade non déca­lés ;
  • quelques tuyaux intérieurs dans le médium du prestant et de la montre non décalés également ;
  • beaucoup de tuyaux décalés sans recoupe, ou pavillonnés et décalés sans recoupe,
  • tuyaux où il reste au sommet des traces d'accordoir ;
  • les tuyaux d'anches qui n'ont pas été recoupés.
Bien entendu, le tout tributaire d'une pression. On sait que Calli­net travaillait à pression relative­ment élevée. Les jeux d'anches sont utiles pour retrouver la pression. Il n'y a en effet que la bonne pression qui les fait bien sonner et attaquer, en fonction de leur longueur. Si la pression et le diapason ne sont pas bons, le tuyau "râle" parce que trop court, ou s'étouffe et "saute" parce que trop long. La pression de l'orgue de Montbéliard est de 93 mm à la colonne d'eau.



La composition arrêtée par le cahier des charges des Monu­ments historiques, M. Claude AUBRY étant technicien conseil, a été remaniée au cours du tra­vail, après discussion et accord de toutes les parties. C'est ainsi que nous avons pro­posé en option de remplacer le Flûte 4 de pédale prévue, par un Ophicléide 16 bien plus utile musicalement.
Nous avons rajouté un rang de plus au Plein Jeu du Grand-Orgue, et un rang au Plein Jeu du Positif. Il a été construit en outre, un Sifflet 1 au Positif. Hor­mis l'Ophicléide, qui a bénéficié de subventions diverses, le reste des modifications a été entière­ment pris en charge par les Amis de l'Orgue de Saint-Martin.
Nous avons construit à neuf les jeux suivants :
  •  Au Grand-Orgue :
    • deux rangs de plein jeu, plus environ 30 tuyaux manquants, ainsi que les tuyaux nécessai­res au redécalage des tuyaux à leur ancienne place 
    • les deux tourelles de 8 p. de façade.
  • Au Positif :
    • toute la tuyauterie, ainsi que la façade. 
  • Au Récit :
    • la flûte traversière, le dessus de Flûte de 4, le Basson Haut­bois en copie de Callinet, avec les bobines en bois pour la basse ainsi que les anches en bois peaussées. 
    • Le dessus de Hautbois est harmonique sur les dix derniers tuyaux.
  • A la Pédale :
    • l'Ophicléide 16 bobines en bois, anches en bois peaussées 
    • complément de jeux de Flûte 8, Bourdon 16, Trompette et Clairon de 18 à 27 notes.

Le reste de la tuyauterie est de Callinet. Les bourdons de métal étaient avec calottes mobiles. Ces calottes étaient de Bédeville. Sans avoir la certitude que les calottes étaient soudées - on ne sait pas en effet exactement quand les Callinet ont employé les calottes mobiles -, nous avons décidé de rallonger les tuyaux et de souder les calottes, ceci donnant une meilleure harmonie, et surtout une meilleure tenue d'accord.
L'orgue a été entièrement monté en atelier de façon que les par­ties neuves soient bien adaptées avec les anciennes, puis, démonté et transporté à Montbéliard pour être remonté et fini en septembre 1988.



Le buffet a été peint par M. Nonotte de Besançon. L'orgue a ensuite été harmonisé, opération qui consiste à lui donner le son qu'il doit avoir. Les altérations de l'harmonie primi­tive, apparues au fur et à mesure des différents travaux sur cet orgue, notamment pendant l'intervention de Bédeville, font que l'on ne peut prétendre avoir retrouvé le timbre de Callinet ; cependant leur façon de construire les tuyaux fait que certaines constantes apparaissent à travers toute leur production. Nous avions en outre à harmoniser des tuyaux de différentes époques, notamment en ce qui concerne la tuyauterie du Positif qui est neuve. Le résultat sonore est l'aboutisse­ment de ce que nous avons ressenti à travers ce qui est matériel et le reste. Un temple qui est un volume à "faire sonner" avec ses spécifici­tés comme le plafond plat qui favo­rise et exacerbe même certaines fré­quences aiguës, une communauté avec ses impératifs dans le soutien du chant choral, et la rencontre de personnes au sein de cette commu­nauté, tout cet ensemble faisant que cet orgue est, grâce à tous, ce qu'il est maintenant. C'est aussi et avant tout un travail d'équipe. Charles HENRY et Nicolas WARENEKE se sont entièrement investis dans ce travail. Il est le reflet de leur art et de leur savoir.
Alain SALS

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