Dans l'Eglise du
début
du 16e siècle, la musique chantée
était
surtout réservée à des
spécialistes
(clergé, maîtrises...), le peuple chantait surtout
hors de
l'Eglise.
Luther, grand amateur de musique, était
persuadé de
son importance. Il voulait qu'elle tienne une grande place dans les
offices, que l'assemblée chante, en recherchant au
moins
trois objectifs.
Objectif psychologique tout d'abord : pourquoi ne pas utiliser le
pouvoir indéniable de la musique pour faciliter
l'élévation de l'âme ?
Souci pédagogique également : un texte
rythmé
auquel s'ajoute une mélodie, se grave plus
aisément
dans le cerveau.
Réjouissance enfin : Luther voulait que la musique
apporte
au culte le caractère de joie profonde qui lui
paraissait
indispensable.
Mais il s'est trouvé confronté à
plusieurs
problèmes, et d'abord à celui du
répertoire. Sans
rompre totalement avec la tradition catholique (il n'a
éliminé ni le latin ni le grégorien),
il a
été amené à rechercher un
répertoire nouveau destiné à
la foule des
fidèles. Pour lui, le chant d'assemblée
était un
véritable acte liturgique.
Le choix des mélodies s'est effectué en
recherchant
dans le fonds ancien ou moderne, religieux ou profane, savant ou
populaire. Il a donc fallu créer des textes en allemand,
compréhensibles par le peuple, conformes aux
vérités bibliques, et d'une bonne tenue
poétique.
Texte et mélodies ont
été passés au crible des
considérations esthétiques qui, chez
Luther,
l'emportent toujours. C'est ainsi qu'est né le "choral"
protestant luthérien, caractérisé par
sa
simplicité et son ampleur mélodique. Issu du
grégorien, il en a conservé un rythme
relativement
libre, ou plutôt, un mélange continu de rythmes
différents, qui lui a donné une grande
souplesse
jusqu'à ce qu'il soit enserré dans un cadre plus
étroit au siècle suivant, pour aboutir aux
chefs-d'œuvre d'un Jean Sébastien BACH.
Il a servi de base à des compositions musicales
plus
élaborées, d'abord vocales (pour chœurs
et
maîtrises), puis pour les instruments, et surtout
pour
l'orgue, instrument par excellence des cérémonies
religieuses.
Nul n'ignore en effet l'importance de ce dernier dans le culte
luthérien et la place que Luther a prise parmi les
compositeurs
de musique religieuse de son époque. Il existe des chorals
adaptés à chaque dimanche ou fête ; des
préludes de chorals viennent illustrer chaque
thème.
D'autres œuvres (motets, cantates...) viennent
souligner tel
ou tel aspect du culte.
Mais, dans la tradition luthérienne, la musique
n'est pas
un but en elle même, elle n'est toujours qu'un moyen : moyen
pour
édifier les fidèles, moyen pour louer
Dieu, moyen
pour exprimer des sentiments (joie, peine, tristesse, souffrance,
sérénité...), moyen pour exprimer ce
que la parole
ne peut pas dire, moyen pour atteindre l'inexprimable et
permettre
de percevoir l'insaisissable.
Maurice BALLAY